Chapitre 3

Publié le par Thao-sy

Hiver, la fin d’un cycle. Le 16 janvier 2005, 13 h 41, à Paris, j’arrive par l’IDTGV 7906 en provenance de Marseille Saint-Charles.

 L’indifférence du tourbillonnement des gares me rassure. La foule ne remarque guère les séquelles que j’amène avec moi. Lourde, comme la valise que je traîne péniblement derrière moi, mon passé est un fardeau que j’essaye d’oublier. Mon corps chancelle, va vers l’avant et vers l’arrière. J’en perds l’équilibre. Aidez-moi ! André, le chauffeur de l’agence s’approche de moi et me tend son bras. Il a le charme d’un homme de cinquante ans bien tassés. Défendues, les filles de l’agence de mannequins l’aiment, d’une façon presque incestueuse. Dès que j’entre dans la Vel Satis couleur champagne, je demande à André :

 - On a une heure devant nous, peut-on faire notre petit tour dans le 15ème. J’ai besoin de me ressourcer.

 

 

- Mademoiselle, on fait comme d’habitude.

 

 

André m’amène vers cet arrondissement avec un sourire complice. Cette virée est devenue une communion nécessaire à chacune de mes arrivées à Paris, qu’il fasse soleil, qu’il pleuve ou encore que les rues soient bloquées suite à un mouvement de grève des chauffeurs de poids lourds.

 

 

Nous nous aventurons méthodiquement dans les artères du 15ème arrondissement de la capitale : avenue Émile Zola, rue Saint-Charles, rue Balard, place Alphonse Humbert, rue de la Convention, square Saint-Lambert. Le charme de Paris le dimanche après-midi est unique. Il s’y dégage un parfum de vie mystique, de fin de monde.

 

 

« Waiting for an angel ». J’examine les passants qui serpentent sur les trottoirs, j’analyse leur démarche et scrute leur visage. Je regarde attentivement celui d’un SDF, celui d’un étudiant ou encore celui d’un touriste. La valse de ces têtes inconnues m’amuse énormément et prend un tour nouveau : je suis à la recherche de mon ange, de ma moitié… Détour par l’église Saint Antoine de Padoue. Celui après qui je cours est peut-être près de la maison de Dieu ? Stupeur prémonitoire ! Je suis dans de beaux draps. Noir, la couleur des tissus d’un cortège devant l’édifice m’amène à me questionner, à me torturer. Si mon ange était mort ? Et s’il était passé dans ma vie sans que je lui aie donné une chance ? Ne le connaîtriez-vous pas ? Non, comme vous, je n’en sais rien ; car en définitive, comment peut-on réellement reconnaître le visage d’un ange quand on n’a jamais eu la chance d’aller au-delà du tunnel, au bout de son chemin. Sans amour fixe, je recherche au plus profond de moi les souvenirs de son physique. L’évidence me vient à l’esprit et m’apaise, je le reconnaîtrai…

 

 

Cette errance m’a fait un bien énorme, cela ressemble beaucoup à une promenade de reconnaissance. Non, plus exactement, à une de ces ballades que je faisais quand j’étais enfant, dans le sud, le dimanche après-midi au parc Borély : plaisante, surprenante mais néanmoins inutile.

 

 

La Vel Satis me conduit vers les Champs-Élysées où se situe l’agence 2L. Je dois faire un dernier checking avec ma bookeuse, Eva, sur mon agenda de la semaine prochaine.

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